Société

26/02/2015 16:51

La géographie : arme de résistance contre l’austérité au Québec.

Par Marion R.
 

    Les politiques d’austérité se déploient partout en Occident et quelle que soit l’étiquette politique du parti en place, des réformes sociales et économiques sont prises permettant de maintenir l’actuel système néolibéral. Le néolibéralisme est un projet politique bien précis que je vais définir brièvement avant de revenir sur la néolibéralisation de tous les projets de société qui révoltent notamment les étudiants en géographie ici, à Montréal.

    Le néolibéralisme est ce que M. Foucault désigne comme un capitalisme d’Etat,  c’est un système prônant la privatisation et la dérèglementation de l’économie. L’Etat néolibéral est l’opposé d’un Etat providence d’inspiration keynésienne. Dans l’Etat néolibéral, le rôle de l’Etat par rapport à l’économie change, sa force s’amoindrit. La néolibéralisation peut être définie « comme processus de sa diffusion (du néolibaralisme), notamment dans les politiques publiques »[1]. Et ce qui est drôle, c’est que si la question de la pertinence du registre néolibéral depuis la crise de 2007-2009 s’est posée, on remarque tout de même qu’après la crise, il n’y a pas eu de changement de modèle mais au contraire un renforcement de celui-ci passant par des voies moins directes (sous couvert de néo keynésianisme)[2].

    Pourquoi l’austérité ? Elle se justifie naturellement comme étant un sacrifice nécessaire étant donné la dette publique des Etats. Au Québec, c’est depuis le gouvernement de Lucien Bouchard vers la fin des années 1990 que les programmes sociaux connaissent des coupes budgétaires dans le but de redresser les comptes publics. [3] Depuis, cette façon de faire économiquement a été préservée, sans toujours avoir les conséquences escomptées. En effet, la dette publique aurait même été augmentée sous le gouvernement de Jean Charest malgré les coupes opérées. Alors on peut comprendre que ces mesures d’austérité nous apparaissent de plus en plus injustes et injustifiées… C’est le cas des Québécois, qui ne comprennent plus et qui veulent montrer leur mécontentement en prévoyant notamment des grèves ! eux qui n’ont pourtant pas la réputation de faire grève à tout bout de champ au contraire de nous autres, Français ! Et, les étudiants géographes sont les premiers à se sentir concernés ! Et ceci n’étant pas nécessairement dû à leur réputation de baba-cool, gauchistes, révolutionnaires mais de façon pragmatique car en tant que science humaine la géographie tente d’avoir une vision territoriale des conséquences de l’austérité qui agit sur les espaces façonnés de plus en plus par l’économie.

    Pour citer un exemple, fortement lié à la géographie, on peut penser à l’environnement. Ce dernier est laissé de côté par les politiques qui doivent avant tout économiser. Ainsi la protection de la nature et la recherche en environnement connaissent également des coupes budgétaires qui ne sont pas sans conséquences aujourd’hui. L’Institut de recherche et d’information socio-économique (IRIS) du Québec a montré que le premier budget du gouvernement Couillard (2014-2015) « enregistre des compressions de 37,9 millions de dollars dans le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. »[4] C’est énorme, surtout qu’à mon sens se préoccuper du développement durable aujourd’hui (même si on peut en critiquer le sens, l’expression etc) fait partie des priorités. Et ces chiffres sont d’autant plus inquiétants quand on se dit que le Québec est censé œuvrer en matière de développement durable. De surcroît, le financement de la recherche est lui aussi dans les viseurs des coupes budgétaires. En bref l’austérité au Québec ressemble à l’austérité telle qu’elle est connue ailleurs, en coupant avant tout les services publics. Cette austérité permet de se faire rejoindre plusieurs luttes : des étudiants, travailleurs, chômeurs, parents, écologistes, régions etc. et devrait aboutir à un vaste mouvement de résistance. Bien qu’utopistes et motivés par l’espoir d’un changement, les étudiants géographes sont réalistes et savent que ce n’est pas un simple mouvement de grève qui renversera les choses. La néolibéralisation demeure un tournant sans précédent pour les politiques sociales, économiques et urbaines qui nous touchent dans la vie de tous les jours. Alors au-delà de la géographie, c’est humainement qu’il faut repenser le système et les politiques conduites à ce jour. D. HARVEY (2007) dit justement en parlant du néolibéralisme, que « c’est là qu’un principe extrêmement important, et devenu global, est apparu pour la 1ère fois : s’il y a un conflit entre le bien être des institutions financières et le bien-être de la population, le gouvernement choisira le bien être des institutions financières ». [5] Il n’est plus possible que ce principe règne.

    A l’image du mouvement des Indignés qui a déferlé en Europe en 2011, les grèves qui vont avoir lieu au Québec et à Montréal en particulier en rappellent le fonds, une volonté d’un système plus social, plus juste et moins capitaliste…

Par Marion R.


[1] Marianne Morange et Sylvie Fol, «Ville, néolibéralisation et justice»,  justice spatiale | spatial justice, n° 6 juin 2014, https://www.jssj.org

[2] Ibid.

[3] Revue du Comité Géostérité de l’UQAM (Université du Québec à Montréal)

[4] Revue du Comité Géostérité de l’UQAM (Université du Québec à Montréal)

[5] Charlotte Recoquillon, « Néolibéralisation et (in)justice spatiale : le cas de la gentrification de Harlem », justice spatiale/spatial justice, n°6 juin 2014.