Critique littéraire

28/11/2014 15:58

Critique de Comédie française,
de 
Georges-Marc Benamou Paris, Fayard, 2014

Par Marion R.

Pour tous ceux qui rêveraient un jour d’être à l’Elysée, tous ceux qui se demandent ce qu’il s’y passe tous les jours, ceux qui veulent connaître le Sarkozy président sous le regard d’un « intime »(?) : ce livre ne vous décevra pas, ce qui ne sera pas le cas de la réalité décrite !

        A défaut d’être Julie Gayet pour pouvoir franchir les portes du « Palais », j’ai lu La Comédie française de Georges-Marc Benamou, un récit qui nous plonge au cœur de l’Elysée, cette bulle technocratique où les intérêts des Français ne semblent pas être premiers… Malgré le recul nécessaire à la lecture de ce récit rédigé du point de vue narratif interne, impliquant une vision de la réalité nécessairement biaisée, on ne peut qu’être ahuri des scènes de théâtre qui se jouent au cœur de notre République, au cœur du pouvoir. En effet, dans ce récit, Benamou, journaliste français qui fait partie de l’équipe de campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, et qui est, suite à l’élection, nommé conseiller pour la culture nous livre les dessous de la machine politique, les stratèges, les conflits qui rythment le quotidien à l’Elysée autour du nouveau Président. Lorsqu’un simple citoyen français, comme vous et moi, lit ces pages, il ne peut être qu’encore plus « dégoûté » par le politique (ou par N. Sarkozy, c’est à vous de voir). Toutefois, je suis contre la passivité résultant du discours ambiant : « tous pourris, alors à quoi bon de voter ou de croire en la politique ». Au contraire, ce genre de réaction et de pensée conduisent à renforcer la toute-puissance de nos dirigeants qui une fois à la tête de l’Etat se croient permis d’agir en PDG d’entreprises ! Bref, ceci n’est qu’une parenthèse. J’en reviens au bouquin de Benamou. Sans vous livrer le contenu chapitre par chapitre (même si je le pourrais étant donné que ce n’est pas un roman à suspense) je voudrais juste attirer l’attention sur quelques passages en particulier qui ont suscité mon intérêt.

        A propos de la cérémonie du 14 Juillet, Benamou écrit en évoquant toutes les personnes présentes autour de N. Sarkozy, venues célébrer sa victoire : « C’est Neuilly dans tous ses états. Tous les Neuilly du monde (…) la vraie droite avec ses riches, ses vrais riches (…) revenait dans les fourgons de N. Sarkozy et de la mondialisation heureuse ». Ce passage appuie l’idée selon laquelle ces gens qui ont de l’or jusqu’au cerveau ne peuvent pas comprendre quels sont les besoins et les changements du système nécessaires à la France. En outre, j’ajoute que j’aime beaucoup l’expression utilisée de mondialisation heureuse qui sous-tend beaucoup d’idées. La mondialisation a en effet de nombreux effets, positifs comme négatifs, et parmi les conséquences majeures de ce nouveau système-monde on retrouve une polarisation accrue des inégalités (SASSEN S. 1996, l'Etat et la ville globale). De fait, l’écart s’accroît et les plus riches le sont toujours davantage tandis que les pauvres ne peuvent même plus espérer ne plus l’être grâce à des réformes étatiques vu que le rôle de l’Etat-nation est amoindri par la mondialisation.  A débattre plus longuement.

        Un autre point qui m’a choqué, le fait que le Président, notre représentant, ne s’intéresse qu’à la forme pour rayonner. « Nicolas Sarkozy ne connait pas le discours de Dakar avant de le prononcer. L’indicible, c’est cela aussi, son désintérêt pour le fond, pourvu qu’il y ait l’ivresse des mots ». Etre un bon orateur est une qualité importante je l’admets. Etre Président mobilise énormément de temps je l’admets aussi ; mais de là à ignorer le contenu de ce qu’il va prêcher auprès de tous, je trouve que c’est à la limite de l’acceptable !

        Allez, pour finir, un dernier point qui me révolte : Fillon qui affirme ne jamais voir N. Sarkozy, et qui se fait lyncher par le Président pour avoir dit « Je suis à la tête d’un Etat en faillite », non pas que N. Sarkozy proteste contre l’état pitoyable des finances mais qu’il reproche à son premier ministre de se croire « à la tête de l’Etat »... Le pouvoir est définitivement monté à la tête de N. Sarkozy !

        Cet article n’a pas été rédigé dans le but de révéler un certain anti-Sarkozysme de ma part, mais uniquement dans le but de montrer les réflexions, réactions, et envie de rébellion que la lecture de ce livre a éveillées en moi. Ce serait sûrement tout aussi intéressant de lire un récit de la sorte sous le règne actuel de François Hollande et du siège de la Gauche à l’Elysée. Je ne pense pas qu’on trouverait de grandes divergences. Le pouvoir et tout ce qu’il engendre sont sans-parti. La société politique est déconnectée de la réalité.  Benamou le dit à la fin : « de droite, de gauche, hyper ou normal, c’est la même comédie française »…. Reste à voir s’il vaut mieux en rire ou en pleurer !

Par Marion R.